Développement des tout-petits : l’influence du pays et de la culture des parents sur son enfant

© Pexels - William Fortunato

1. L’incompréhension face à la différence

Les différentes méthodes d’éducation sont parfois difficiles à comprendre ou même dans certains cas, elles seraient difficiles à concilier, lorsqu’on vient d’un pays qui n’adopte pas les mêmes manières d’éduquer et d’élever son enfant.

Sur un ton plus humoristique, le film « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu » en est un parfait exemple : nous avons des clichés très arrêtés sur les différents pays, les origines et les rites, à tel point que certaines personnes peuvent se montrer intolérant, voir condescendant vis-à-vis de ce qui nous est différent.

2. La culture : une influence certaine pour le développement de l’enfant

A 2 ans, la culture modifierait la vision que peuvent avoir un enfant sur le monde. Parler deux langues différentes, être nourri par une autre culture est une grande richesse pour un enfant mais il peut s’avérer être un défi pour les parents de cultures différentes. Différentes études d’anthropologues, d’ethnologues, de sociologues ont expliqué l’importance des premières interactions mère enfant et leur influence sur son développement.

Marie-Rose Moro dans le livre « Mille et une façon de bien s’occuper des bébés » explique que le contexte et le lieu dans lequel est éduqué et élevé votre enfant influencerait les goûts et son développement. Le contexte, le pays et sa culture exercerait une influence notable sur le développement des enfants.

3. La mixité dans une famille : un enjeu de transmission

La mixité est à certains égards, un enjeu familial et des questions de transmission surgissent. Bilinguisme, biculturalisme, entre partage et incompréhension, il convient de comprendre les différences culturelles et de trouver des compromis pour un équilibre familial qui s’oriente dans l’intérêt psychique et psychologique de votre enfant.

Il n’est pas toujours évident de trouver cet équilibre et cela peut parfois brouiller l’esprit de votre enfant dans sa quête d’identité. Au travers de cet article, nous vous livrons quelques clés pour comprendre les influences de votre culture et ce qui peut se jouer dans le développement de votre enfant.

« La répétition génétique » : répéter et reproduire ce qu’on connaît depuis le berceau.

1. L’héritage génétique influence la répétition des comportements

Au-delà de l’éducation que nous pouvons transmettre à un enfant, la génétique prend le pas sur l’éducation et font qu’un enfant reproduit des gestes, des mots et des comportements qu’ils soient bons ou mauvais…

Aussi rapide que les cellules qui se reproduisent dans nos corps, la transmission est une forme de répétition culturelle du fait de notre héritage génétique.

La transmission culturelle et génétique sont telles que lorsque l’enfant est élevé par des parents mais aussi par des proches de son entourage, l’enfant répète ce qu’il voit, ce qu’il entend et ce qu’il mange sans émettre de jugements.

Dans cet exemple, Marie Rose Moro, anthropologue, affirme qu’en « grandissant il est alors contraint de répéter des choses qui s’imposent à lui mais qui ne lui appartienne pas”.

 

2. L’environnement de l’enfant est son « berceau culturel »

Certaines études corroborent cette pensée en évoquant l’environnement de l’enfant comme « berceau culturel ». Margaret Mead, anthropologue américaine, explique que ce « ce berceau culturel est à la fois profondément ancré à l’intérieur de nous et nous différencie les uns des autres, du groupe culturel à l’autre. » 

Il n’y a donc pas une seule manière d’éduquer, d’aimer, d’accueillir un enfant mais il existe plusieurs façons de faire qui nous distingueraient des uns des autres et qui sont profondément ancrés en nous.

Sur le plan sensoriel, la culture est très ancrée de manière implicite. Des études expérimentales ont révélé que les bébés préfèrent les goûts en fonction de ce que les a nourris dans le ventre de leurs mères. Effectivement, « les bébés peuvent donc aimer les tétines au piment ou au curry si leurs mères ont mangé des mets épicés de cette façon ». Les bébés n’aiment donc pas les choses fades et sans saveur par nature.

Les différences culturelles dans l'éducation des enfants

1. Petit tour du monde de cultures

• Le dodo tard et tôt en Amérique

Le livre « Comment les eskimos gardent les bébés au chaud » de Mei Ling Hopgood, explique qu’en Argentine, les parents n’hésitent pas à se coucher tard et qu’il n’hésite pas à les emmener au restaurant car les restaurants ouvrent à partir de 22h, même quand ils ont école le lendemain. Tandis qu’aux Etats Unis, il est important de se coucher tôt pour se réveiller tôt pour le travail. En effet, en occident, on nous formate à être performant au travail, et donc d’adopter un rythme sain pour le sommeil pour être performant au travail.

• Le rapport avec l’enfant en Afrique

En Afrique, dans une tribu Kenyane, chez les Gusiis, les mamans ne les laissent pas dormir seul, et ne les laissent pas pleurer. Quand en occident, on parle, on joue avec eux, les Gusiis ne le font pas.

• L’éducation du goût et du repas en France versus en Asie

En France, au pays de la gastronomie, on aime la cuisine saine et les produits sains. Les enfants participent même parfois à la préparation du repas. Nous leur demandons souvent de goûter au repas avant de le refuser de le manger. Tandis que dans d’autres pays comme l’Asie, comme le Cambodge, Taïwan, la Chine, on va servir des yeux de poisson, des cafards, ou des mygales même à un âge précoce parce qu’il est coutume de les éduquer tôt à manger ce que les adultes mangent.

• Le port du bébé en écharpe

Au Kenya comme dans beaucoup de pays d’Afrique, le port du bébé à l’écharpe est très courant car la maman fait tout avec bébé : les courses, la traite des vaches, la cueillette…

L’utilisation et ce mode de fonctionnement est avant tout dû aux conditions des familles qui vivent de l’agriculture ou grâce à la nature. Le port à l’écharpe est tout de même intégré en occident car il peut être bénéfique pour l’enfant dans son développement psychomoteur.

2. Les différences culturelles et son influence dans le développement psychomoteur de l’enfant

La différence culturelle à certains égards sont des sujets polémiques et provoquent des difficultés de communication dans les familles. A contrario, lorsque les différences culturelles sont « épousées », « conciliées », elles ne peuvent qu’être une grande richesse pour l’éducation d’un enfant.

Grandir avec une double culture ou plusieurs cultures sont parfois compliqués à conjuguer mais quand les cultures sont adoptées entièrement, ils peuvent devenir très bénéfiques pour le développement de l’enfant.

• L’échange visuel et auditif en occident

En occident, nous accordons beaucoup d’importance à des échanges visuelles et auditif avec son enfant. Les parents parlent aux enfants comme s’ils comprenaient l’essentiel, en accentuant le rythme de leurs voix.

Aussi, les parents utilisent des outils ingénieux pour « bercer » et « aider » son enfant à se développer au quotidien : la poussette, les couffins, les trotteurs… etc, qui paradoxalement développe une distance avec notre enfant du fait de l’usage de ces « outils ».

Contrairement à l’éducation occidentale, en orient particulièrement au Maghreb « on se méfie du regard trop direct des mères et d’autres femmes sur leurs bébés » car il est de coutume de se protéger du mauvais œil et des envieux. Marie-Rose Moro affirme même que « on ne doit pas complimenter un beau bébé car c’est signe d’un regard envieux, donc menaçant ».

• Les interactions proximales en Amérique latine et en Afrique

De la même manière, en Afrique de l’Ouest et même dans certaines régions de l’Amérique Latine, l’interaction visuelle est très peu présente. D’une façon générale, les bébés sont stimulés du point de vue moteur et kinesthésique. En Afrique de l’Ouest ou dans l’Afrique central rural “les enfants sont bercés et lacés de manière très tonique, comme en Inde du Sud par exemple”.

Le massage tonique avec des gestes de grandes amplitudes qui éveillerait et détendrait les enfants dans ces territoires du monde, n’est pas forcément approprié si l’enfant n’a pas cette habitude. Cela pourrait même lui faire mal. Tout dépendrait du contexte et du lieu dans lequel l’enfant aurait grandi.

En Afrique de l’Ouest, le corps des mamans sert de berceau et les interactions sont très proximales car le bébé accompagne le quotidien de la mère dans tous ces gestes. L’enfant est donc stimulé sur le plan corporel et olfactif mais beaucoup moins de manière visuelle.

Gestion des différences culturelles dans un couple et une famille

1. Comprendre les différences de chacun

Lorsqu’il y a des tensions dans un couple causées par des différences culturelles, il est avant tout important de comprendre la différence de l’autre, puis d’en discuter pour trouver des concessions dans un sens comme dans l’autre.  Bien souvent, c’est la méconnaissance des cultures qui rend complexe les rapports. Quand l’un est végétarien et l’autre ne jure que par la viande, la compréhension, l’ouverture d’esprit est plus qu’indispensable, surtout lorsqu’il y a un enfant ou des enfants dans le foyer.

Dans certaines communautés, la question du baptême ou de la circoncision peuvent se poser. L’un ou l’autre parent ne devrait pas se sentir lésé dans son devoir de transmission. L’idéal serait de clarifier les sujets épineux. Quand l’un est catholique et l’autre de confession juive, les deux parents doivent s’accorder sur les pratiques.

2. Concilier les différences culturelles dans la famille

Il vaudrait même mieux laisser votre enfant choisir de pratiquer plus tard lorsqu’il sera en âge de penser et de choisir de manière éclairée. Un enfant a besoin de se situer pour savoir qui il est et pour se situer, rien de plus responsabilisant que de lui laisser le choix.

Vos deux cultures peuvent être le prétexte pour vous façonner votre culture et de co-construire votre culture familiale. Il faut concevoir un consensus dans lequel chacun reconnaît l’autre et accepte, tout en se reconnaissant lui-même. Cela implique que même partiellement adoptée, chacun s’y retrouve. Mixer cette culture vous permettra de mieux transmettre vos valeurs à votre enfant. Les compromis permettront d’ajuster un équilibre et d’instaurer une harmonie dans votre foyer familial.

La culture a une influence sur la structuration psychique d’un individu et permet à chaque enfant, à chaque individu de se distinguer.

La socialisation de son enfant comme enjeu parental

1. Choisir une ou deux cultures pour la famille et la transmettre

Dans une famille mixte, binationale où des décisions doivent être prises sur des questions comme : quelle langue parler ? Quelle religion transmettre ? Quelle école choisir ? Tout enfant est consciemment ou inconsciemment un enjeu de transmission dans une famille. C’est dans la socialisation et les choix de socialiser son enfant dans un environnement que le parent va se poser la question de la langue parlée, la religion à transmettre, le choix de l’école, où partir en vacances…

Le compromis, les négociations et les discussions sont alors nécessaires pour l’équilibre familial. Chacun a ses idées, valeurs et mentalité que vous souhaitez vouloir reproduire mais cela ne vous interdit pas de transmettre les deux cultures.

Une étude sur la mixité et l’identité intitulée « Enfants et adolescents mixtes : une identité spécifique » parue en 1990 évoque que les effets d’une socialisation mixte qui combine les deux langues et cultures montrent que ce sont les langues qui deviennent les marqueurs d’identité pour les deux cultures réunies. Effectivement, les questions du bilinguisme touchent sensiblement les enfants dans la mixité culturelle.

2. S’approprier l’héritage culturel

Aussi c’est en adoptant l’héritage culturel du pays dans lequel l’enfant vit, qu’il se sent concerné par la culture héritée de son parent. Dessus, l’étude explqiue que « Ce n’est qu’en s’appropriant soi-même des éléments de la culture transplantée en tant que marques distinctives et valorisantes de sa propre identité, que le jeune a le sentiment de posséder une double ou « nouvelle culture » différente de ses amis mononationaux ». Entre autres, la double culture ne se produit que si l’enfant a ancré ce double héritage en lui.

Dans cette enquête, un jeune interrogé affirme ainsi « Vivre vraiment dans un pays fait qu’on peut s’approprier soi-même. Jusque-là c’était le pays de ma mère, il ne me concernait pas, bien que j’y sois née. Maintenant que j’y ai vécu, il fait partie de mon expérience. »

Par ailleurs, pour conclure dessus, les jeunes y soulignent que leur sentiment d’identité change avec le temps et les changements de circonstances. « Les choix que je ferai plus tard dépendront d’où je vivrai et de qui sera ma femme. »

3. Le bilinguisme

Parler une, deux voire trois langues est un atout non négligeable pour votre enfant quand dans le foyer, les deux parents sont d’origine différentes. Quand la religion n’est pas adoptée pour la transmission culturelle c’est la langue qui se retrouve souvent comme critère de transmission.

Le bilinguisme est ancré surtout quand il est pratiqué depuis l’enfance. L’enfant issu d’un métissage va alors pratiquer les deux langues soit à la maison ou soit à l’extérieur quand il aura besoin de repères pour les pratiquer.

Dans l’enquête citée plus haut, « La plupart de ces familles n’étant pas pratiquantes, c’est la langue, et plus particulièrement le bilinguisme des enfants, qui polarise la notion de mixité. » Tout dépendra simplement de l’attitude du parent vis-à-vis de la langue supplémentaire que l’enfant va apprendre.

La langue maternelle ou la langue d’adoption du pays dans lequel vit la famille, sera transmise à l’enfant que si le parent souhaite transmettre ces langues.

Vivre la différence culturelle ensemble dans un espace collectif

1. La peur du pays inconnu

Quand le pays est inconnu pour l’enfant ou le parent, il y a un temps d’adaptation et d’acculturation. Lorsqu’on est parent, il est légitime de craindre que notre enfant soit élevé dans un environnement que nous ne connaissons pas et d’autant plus, lorsque le parent originaire d’un autre territoire confie son enfant dans un pays qu’il connait peu.

A la crèche, l’accueil des familles et leurs bien-être sont notre priorité. Accueillir les enfants sans distinction nous est primordiale pour respecter les besoins, les rythmes et les origines de chacun.

Vivre la différence dans un espace collectif, tout en restant différent est un sujet qui nous préoccupe et qui selon nous, contribue au développement de l’identité d’un enfant et son adaptation social.

Les sujets sociaux et les différences culturelles sont souvent soulevés par les médias, car la différence culturelle fait débat et doit être conjuguée de manière plurielle dans les espaces collectifs.

Par acquis culturel, nous avons une approche éducative liée à notre éducation qui fait référence à une culture et nous pensons parfois à tort, que cette approche est la seule et l’unique, ou même la meilleure…

A titre d’exemple, en occident, on a tendance qu’il ne faut pas impliquer l’enfant à l’apprentissage de la propreté trop tôt ; en Chine, on aura tendance à penser qu’il est malsain de laisser le bébé dans les couches…

 

2. Eduquer son enfant aux différences et à la diversité culturelle

Contre l’incompréhension culturelle ou l’intolérance culturelle, il est important d’exposer son enfant aux diversités culturelles. Pour lui faire comprendre, on peut par exemple commencer par lui montrer un atlas en exposant les différents pays et leurs différentes cultures. L’idée est de l’aider à développer une ouverture sur le monde et une curiosité sur les différences culturelles.

Les parents ont donc un rôle essentiel à jouer pour amener les enfants à la rencontre des autres. De ce fait, une sociologue, Marie Odile Magnan affirme « L’interaction concrète avec des personnes de différentes origines a aussi un impact positif. Plus on a des contacts avec des personnes de diverses communautés, plus on devient ouvert à la diversité. ». Il faut faire prendre conscience aux enfants qu’ils vivent dans des communautés diversifiées pour les ouvrir au monde.

 

3. Tous différents mais semblables

Si valoriser les différences culturelles par le bilinguisme ou tout autre critère de valorisation, les parents ne doivent pas avoir peur d’expliquer ou de « verbaliser » les différences culturelles. A contrario, il peut arriver que d’effacer les différences peut inconsciemment associer la différence comme un élément négatif, et que de penser que ce qui est mieux c’est d’effacer cette différence.

Quand vous parlez des différences, il faut prendre garde à parler aussi des ressemblances. Nous n’avons pas tous la même couleur de peau, la même langue, les mêmes yeux mais nous sommes tous différents par certains critères et uniques à la fois, et ce qui nous fait nous ressembler est que nous sommes tous humains… Le parent doit sensibiliser l’enfant à la tolérance et lui montrer que les différences physiques ne sont pas une menace.

Conclusion

La culture d’un pays conditionne très certainement le développement d’un enfant et bien plus encore, celui des individus. Cultiver la différence en étant différent et unique à la fois est une affaire d’attitude et de transmission.

Marie Rose Moro explique bien l’importance des premières interactions mère bébé et son influence dans son comportement, ses gestes et ses manières de s’exprimer. Entre double culture ou monoculture, le cœur et la raison des parents balancent.

Le conseil à garder en tête est de discuter à plusieurs, en couple ou en famille, et de penser avant tout au bien-être de l’enfant, son aisance dans la langue maternelle et la langue du pays adopté, les rites sacrés et les habitudes traditionnelles devraient être des choix éclairés. Ils doivent s’inscrire au-delà de compromis personnels, et non pas au détriment de ce que peut ressentir le parent ou l’enfant.

Si les discussions sont impossibles, faites appel à une personne neutre et objective, qui peut être un professionnel tel qu’un conseiller famillial ou un psychothérapeute.

Pour reprendre les propos de l’étude sur les familles mixtes : « Ce n’est que lorsque ces traits se seront structurés et ne reflèteront plus qu’une seule culture que la personne « biculturelle » deviendra totalement « monoculturelle ».

Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises choses à faire ou à expérimenter, il s’agit avant tout de tolérance, de compréhension, de choix de vie et d’acculturation.

Prenez compte de l’influence du choix de cette culture vis-à-vis du développement de votre enfant : qu’il soit d’ordre linguistique, religieuse, culturelle… Faites en une richesse et sensibilisez votre enfant à la différence et à son développement personnel.