Bien manger à la crèche et prendre le repas avec ses pairs

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Les moments de repas à la crèche est une étape importante dans la journée. Petit encore, l’enfant est dépendant de l’adulte pour s’alimenter. Dans un espace collectif, le challenge est de satisfaire les besoins de chacun des enfants dans un temps restreint, tout en respectant les rythmes individuels et collectifs.

Pour que ce moment soit le plus agréable possible, l’organisation et l’aménagement est murement réfléchi avec l’équipe. Nous vous expliquons en quoi le moment du repas est fondamental dans son développement et pour sa socialisation.

L’alimentation chez le Nidou

1. Le choix des aliments

Nous avons fait le choix de proposer des repas issus de l’agriculture biologique et locale, 50% des aliments sont issues de l’agriculture biologique et de fournisseurs locaux, avec principalement des fruits, des féculents, des légumes, des laitages et des biscuits.

En complément de notre fournisseur alimentaire actuel, nous faisons appels à une société de livraisons de paniers Bio, qui nous permettra de choisir tous le 15 jours 5 fruits, qui peuvent être différents des fruits ordinaires (maracuja, dattes, mirabelles… etc) 

2. La découverte gustative

Notre but est d’offrir un service de qualité aux parents mais également, d’ouvrir de nouveaux horizons gustatifs aux enfants, tout en respectant la sécurité des enfants. Nous évitions les fruits trop allergènes, les fruits avec noyaux… Ceux avec des noyaux seront préalablement dénoyautés.

Aussi, nous proposons à l’équipe d’offrir aux enfants la possibilité de faire des ateliers culinaires 1 fois par semaine (pâtisserie principalement) et 1 fois par mois d’élaborer avec les enfants un repas entier équilibré (réfléchi par les professionnelles mais réalisé avec les enfants)

 

3. L’adaptation du repas de l’enfant à la crèche

A la crèche, nous organisons les repas de manière progressive en groupe. En fonction des habitudes de la maison, nous installons les bébés dans les transats, mais certains préfèreront restés dans les bras pour prendre leur repas.

L’adulte est toujours à la hauteur de l’enfant et non, assis sur une chaise d’adulte. Dès lors que l’enfant se tient bien assis, le repas peut être pris à table. Nous lui proposons alors une petite chaise au niveau du sol, ou un rehausseur de chaise posé sur le sol, pour que petit à petit, il ait accès à son assiette et manipuler la nourriture, la cuillère, son verre d’eau ou son bec verseur.

Lorsque l’enfant commence à marcher, il va lui-même vers sa petite chaise plus facilement au moment du repas.

4. Comment se produit le processus de socialisation ?

La première notion de socialisation repose sur un processus individuel, il se construit petit à petit en chaque enfant, en fonction de ses expériences, de ses rencontres et de ses découvertes. On ne socialise pas un enfant contre son gré, mais on le socialise avec lui et son environnement.

Depuis bébé, un enfant est par naissance un « être social » du fait de sa dépendance à ses parents. C’est ce que nous démontre des études sur l’enfant et son attachement à ses parents. Miriam Rasse la définit de cette manière : « la socialisation c’est tenir compte de l’autre sans renoncer à être soi, tout en respectant un certain nombre de règles. »

En quoi le repas en crèche a un rôle de socialisation ? Dans quelles conditions deviennent-ils pour l’enfant un temps de socialisation ?

  • La socialisation passe d’abord par une relation individuelle entre l’enfant et l’adulte

Pour l’accompagner dans sa socialisation, l’enfant doit se sentir considéré et en confiance. Le soin est une des meilleures façons pour « créer un lien de confiance ». A la crèche, le repas est une forme de soin qui crée des interactions entre pairs et personnes. Le petit a besoin de ressentir que l’adulte prend soin de lui et qu’il est attentif à ses besoins. Bernard Golde, pédopsychiatre, explique ainsi « La capacité d’un tout-petit à tirer profit du groupe dépend fondamentalement de la qualité de ses rencontres individuelles ».

Lorsque le bébé est tout petit, il ne sait pas qu’il a faim encore. Il sent qui se passe quelque chose en lui qui lui fait comprendre quand l’adulte le nourrit. Répété quotidiennement, le bébé en vient à comprendre chaque jour ce qu’il aime, la température idéale du biberon et sa quantité. En prenant le repas, il y a donc une relation qui s’établit entre l’enfant et l’adulte. Ses sensations corporelles considérées grâce au soin par l’adulte, fait que l’enfant expérimente son influence sur ce qu’il aime, pour que l’adulte le prenne en compte. C’est une manière d’affirmer son individualité : il y a donc un processus d’individuation.

  • Le repas avec ses pairs, essentiel au processus de socialisation

Au fur et à mesure de son développement, l’enfant marche et comprend que les plus grands vont se laver les mains avant de passer à table. Par mimétisme, un enfant veut faire pareil et nous l’accompagnons petit à petit en ce sens.

La première notion de partage de repas avec ses pairs dès lors commence, car avant cela il a surtout des interactions avec les professionnelles qui le nourrissent.

Précisément, lorsque l’enfant est capable de s’asseoir de façon stable, il peut choisir entre deux tailles de chaise différentes, qui sont présentes autour des tables des plus grands, nous proposons à l’enfant de goûter. C’est plus simple pour lui de commencer par apprendre à s’asseoir et d’être à l’aise avant de se « socialiser ».

Ensuite, au moment d’un repas, nous ajoutons la table pour qu’il commence à partager ce moment avec ses camarades. Suivant l’évolution de l’enfant lors du repas, le matériel change : lorsqu’il est dans la petite chaise, l’enfant dispose de la double cuillère (une pour lui, une pour l’adulte), de son assiette, de son yaourt et de sa compote. Nous limitons le choix car trop de choix tue le choix et ils peuvent se sentir perdus devant une multitude de choix dans leurs plateaux.

En termes d’ustensiles à table, ils ont une cuillère, une fourchette, un bavoir à élastique pour favoriser l’autonomie qu’ils enfilent seuls ou avec l’aide d’un adulte, un verre d’eau, le tout sur un petit plateau compartimenté.

  • Le repas avec les pairs : un moment pour la connaissance de soi et de ses pairs

Le moment du partage de repas est très enrichissant pour eux comme pour nous, car nous en apprenons beaucoup d’eux à ce moment-là autant qu’ils apprennent à manger avec les autres enfants. Parfois, certains ne veulent pas manger, mais en voyant leurs camarades ils finissent par tester.  Ils se mettent même à devenir des « cuisiniers testeurs » en faisant des mélanges impensables, comme le brocoli dans la compote par exemple…

Certains mélangent tout, et mangent tout, ou au contraire d’autres trient et mangent chaque aliment un par un. Il peut même arriver qu’un enfant trie petit pois par petit pois ! A l’inverse, si l’un n’aime pas un aliment, les autres se mettent à le refuser, alors qu’habituellement ils le mangent. Dans ce cas-là, nous proposons à l’enfant de tester l’aliment sur son assiette, voir s’il aime ou pas.

Aussi pour pousser la notion de partage et de socialisation à table, nous communiquons avec eux et nous leur demandons « Ah bon, tu as déjà goûter des tomates ? Et tu n’aimes pas ça ? Pourquoi ? En as-tu déjà mangé la dernière fois ? Même lorsqu’ils sont très petits, nous abordons la notion de gâchis et de partage : « Si tu ne veux pas de ta pomme, est ce que tu veux la donner à ton camarade qui adore ça ? ».

Le repas : faut-il instaurer des limites et des règles ?

Il est difficile d’instaurer des règles qui permettent d’offrir le confort individuel d’un enfant et en même temps, permettre son bon déroulement. Nos obligations logistiques sont parfois contraignantes pour le besoin réel des enfants. Quand un enfant attend son tour parce que l’autre enfant prend plus son temps et a besoin de plus d’attention. A un moment ou à un autre, il s’avère parfois utile et essentiel pour le reste du groupe, d’influencer l’enfant sur son rythme, sa quantité ou sa manière de s’alimenter.

Dans le repas, au-delà de la découverte de l’autre et de soi, il y a aussi la découverte du cadre et de ses règles par les conditions matérielles. L’idée est que l’enfant puisse se rendre autonome avec plaisir. Les professionnelles vont donc l’aider en mettant en place des règles cohérentes et stables.

Parmi ses règles, l’enfant fait la découverte des limites dans le temps. « Tu vas prendre le repas après Léon, après Nadine, Samy et Nadia ».

Les limites et le cadre passent aussi par l’usage des ustensiles et des outils pour prendre son repas. Les couverts adaptés aux enfants sont alors proposés mais c’est quand ils s’intéressent à ces ustensiles que l’enfant commence à manipuler ses couverts et comprendre l’usage de ces outils.

S’il n’arrive pas à utiliser la cuillère la professionnelle va l’aider. L’enfant expérimente les textures, avec ses mains, sa bouche, mais on ne le laissera manger entièrement sa purée à la main.  

Les règles et le cadre rassurent donc l’enfant, car à petit à petit le monde autour de lui devient organisé. Ils cultivent alors l’esprit d’être alors à table avec les pairs. Il faut cependant rappeler que malgré le cadre, l’enfant doit pouvoir être acteur de son repas et décider de qu’ils veulent manger ou pas, à leur rythme. Une fois ce processus d’interactions et d’affirmation passées, l’enfant acceptera un compagnon de tablée petit à petit.

Le repas comme essentiel pour développer la socialisation de l’enfant

En crèche, le repas constitue un moment très important dans la journée du petit. Le repas est un temps de rencontres, de développement individuel, de satisfaction de besoin physiologique mais aussi de développement psychomoteur.

Votre enfant va apprendre à connaître ce qu’il aime et ce qu’il aime moins, comprendre ses sensations intérieures. Il apprend à communiquer avec l’adulte et découvre ses premières règles sociales.

Pour que cela se passe le mieux possible, le matériel va être adapté et pensé pour les enfants. Une organisation empathique, engagée avec tout le personnel est alors essentiel pour le bon déroulement des repas.